11 octobre 2007
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17:40
Je posais hier en guise de transition la question de l'unité chinoise. Cette problématique me permet d'aborder la question des groupes ethniques (民族, minzu) et des minorités (少数民族, shaoshu minzu). La Constitution de la République populaire de Chine reconnaît cinquante-six entités ethniques officielles. Il y en aurait d'autres, paraît-il, mais c'est déjà assez énorme. Cette reconnaissance officielle offre aux minorités quelques avantages non négligeables, notamment dans la reconnaissance de leurs contumes particulières. Compte-tenu de cette diversité, existe-il un sentiment national chinois, une appartenance commune, au sein d'un peuple divisé en cinquante-six groupes ethniques ?
Une première précision s'impose : la population de la Chine n'est pas si morcelée que cette statistique peut le laisser paraître. L'ethnie Han (汉) est très largement minoritaire : plus de 92% des Chinois, soit... 1,2 milliard d'hommes et de femmes qui constituent le groupe ethnique le plus important du monde !
Les cinquante-cinq autres minorités se partagent le reste de la population, mais là aussi les disparités sont grandes, entre les Zhuang, principalement implantés dans le Guangxi au sud du pays, sont la minorité la plus nombreuse avec environ quinze millions de membres. A l'opposé, les Lhoba du Tibet sont à peine quelques milliers. Il y a dix minorités qui se revendiquent comme musulmanes, notamment dans le Xinjiang à l'ouest de la Chine, en contact avec l'Asie centrale.
Comme d'habitude le lien de la carte en plus grand format :
www.chine-informations.com/fichiers/1138901155.jpg
Il y a des cartes plus complètes, mais celle-ci permet de se rendre compte de plusieurs points importants. Tout d'abord la forte présence des Han dans toute la Chine de l'est et du centre. Si vous superposez cette carte à celle d'il y a trois jours sur l'organisation de l'espace chinois, vous remarquerez que ces zones Han correspondent aux deux zones de la Chine littorale et de la Chine centrale, qui profitent le plus du boom actuel de la Chine.
Maintenant, si vous observez les zones où les Han ne sont pas majoritaires, vous retrouvez les régions autonomes que je vous présentais hier : la Mongolie intérieure (mauve), le Xinjiang (rose), le Tibet (jaune foncé) et le Guangxi (jaune clair).
De cette multitude d'ethnies, la Chine retire une grande diversité culturelle. Les Chinois que j'ai rencontrés sont très fiers de parler de leurs minorités nationales, avec leurs spécialités culinaires, leurs vêtements traditionnels et leurs apparences physiques très différentes, contrairement au stéréotype français du "tous les Chinois sont pareils". En Mandchourie, les gens ressemblent aux Coréens, en Mongolie intérieure aux Mongols, dans le Xinjiang aux Kazakhs, Kirghizs et autres populations des pays voisins, et au Yunnan, on s'approche plus des Viêt-namiens et Cambodgiens. En revanche, Pékin a lancé depuis plusieurs années des politiques de "hanification" de la Chine des périphéries. Ainsi, l'une de mes professeurs à BeiWai est une Han du Xinjiang.
Cette richesse peut aussi poser des problèmes d'organisation : il y a en Chine... 53 dialectes différents, souvent (très) éloignés du mandarin ! Tout le monde est sensé parler le mandarin, mais Denise qui vient de la province du Fujian (en face de Taiwan) nous disait que les personnes âgées ne parlaient que leur dialecte. Dans le même genre, il n'y a pas moins de... 27 systèmes d'écriture différents, et quand je dis différents, ce ne sont pas trois caractères qui varient, ce sont des logiques et des styles totalement distincts. Différents, cela veut dire cela !
Une première précision s'impose : la population de la Chine n'est pas si morcelée que cette statistique peut le laisser paraître. L'ethnie Han (汉) est très largement minoritaire : plus de 92% des Chinois, soit... 1,2 milliard d'hommes et de femmes qui constituent le groupe ethnique le plus important du monde !
Les cinquante-cinq autres minorités se partagent le reste de la population, mais là aussi les disparités sont grandes, entre les Zhuang, principalement implantés dans le Guangxi au sud du pays, sont la minorité la plus nombreuse avec environ quinze millions de membres. A l'opposé, les Lhoba du Tibet sont à peine quelques milliers. Il y a dix minorités qui se revendiquent comme musulmanes, notamment dans le Xinjiang à l'ouest de la Chine, en contact avec l'Asie centrale.
Comme d'habitude le lien de la carte en plus grand format :
www.chine-informations.com/fichiers/1138901155.jpg
Il y a des cartes plus complètes, mais celle-ci permet de se rendre compte de plusieurs points importants. Tout d'abord la forte présence des Han dans toute la Chine de l'est et du centre. Si vous superposez cette carte à celle d'il y a trois jours sur l'organisation de l'espace chinois, vous remarquerez que ces zones Han correspondent aux deux zones de la Chine littorale et de la Chine centrale, qui profitent le plus du boom actuel de la Chine.
Maintenant, si vous observez les zones où les Han ne sont pas majoritaires, vous retrouvez les régions autonomes que je vous présentais hier : la Mongolie intérieure (mauve), le Xinjiang (rose), le Tibet (jaune foncé) et le Guangxi (jaune clair).
De cette multitude d'ethnies, la Chine retire une grande diversité culturelle. Les Chinois que j'ai rencontrés sont très fiers de parler de leurs minorités nationales, avec leurs spécialités culinaires, leurs vêtements traditionnels et leurs apparences physiques très différentes, contrairement au stéréotype français du "tous les Chinois sont pareils". En Mandchourie, les gens ressemblent aux Coréens, en Mongolie intérieure aux Mongols, dans le Xinjiang aux Kazakhs, Kirghizs et autres populations des pays voisins, et au Yunnan, on s'approche plus des Viêt-namiens et Cambodgiens. En revanche, Pékin a lancé depuis plusieurs années des politiques de "hanification" de la Chine des périphéries. Ainsi, l'une de mes professeurs à BeiWai est une Han du Xinjiang.
Cette richesse peut aussi poser des problèmes d'organisation : il y a en Chine... 53 dialectes différents, souvent (très) éloignés du mandarin ! Tout le monde est sensé parler le mandarin, mais Denise qui vient de la province du Fujian (en face de Taiwan) nous disait que les personnes âgées ne parlaient que leur dialecte. Dans le même genre, il n'y a pas moins de... 27 systèmes d'écriture différents, et quand je dis différents, ce ne sont pas trois caractères qui varient, ce sont des logiques et des styles totalement distincts. Différents, cela veut dire cela !
Les temples sont une bonne occasion de se rendre compte de cette diversité linguistique chinoise. Ici, un temple du Yonghegong à Pékin. Le troisième système d'écriture est du Chinois Han (traditionnel, moi j'étudie le simplifié), et il doit y avoir du tibétain, du mongol et encore autre chose... mais lequel est lequel ?
En plus des problèmes de langue(s), il y a un phénomène qu'en France nous assimilerions peut-être à du communautarisme. En effet, l'ethnie Han est tellement majoritaire que les autres ont parfois tendance à se replier sur leur propre identité. Un bon exemple dont on m'a parlé est l'ethnie Hui, qui est une ethnie musulmane, qui s'est répandue le long de la Route de la Soie, et qui est particulièrement présente à Pékin mais aussi à Xi'an par exemple. Visiblement, les Hui mangent entre eux, et seulement leur propre nourriture, et de manière générale, ils vivent entre eux et forment une communauté en situation d'infériorité numérique, qui est forcée de développer l'entraide.
Ce sujet mériterait bein entendu un plus grand approfondissement, mais voilà quelques bases de réflexion que l'on ne connaît pas forcément en France, où l'on parle souvent du "monde chinois" (en référence à un livre de Jacques Gernet). Sans spécialement remettre en cause le concept d'unité de la Chine, il ne faut pas exagérer l'homogénéité de la population et des modes de vie chinois. Mais, à la limite, tant mieux, cela participe de la grande richesse de ce pays hors du commun.
Pour être plus complet, il faudrait parler de la diaspora chinoise dans le monde entier, qui elle aussi participe à l'édification des repères identitaires, mais j'aborderai d'autres questions dans les prochains articles avec les questions démographiques.
Ce sujet mériterait bein entendu un plus grand approfondissement, mais voilà quelques bases de réflexion que l'on ne connaît pas forcément en France, où l'on parle souvent du "monde chinois" (en référence à un livre de Jacques Gernet). Sans spécialement remettre en cause le concept d'unité de la Chine, il ne faut pas exagérer l'homogénéité de la population et des modes de vie chinois. Mais, à la limite, tant mieux, cela participe de la grande richesse de ce pays hors du commun.
Pour être plus complet, il faudrait parler de la diaspora chinoise dans le monde entier, qui elle aussi participe à l'édification des repères identitaires, mais j'aborderai d'autres questions dans les prochains articles avec les questions démographiques.